Depuis plus de cinquante, le conflit armé a mis sur les routes de Colombie plusieurs millions de personnes. Les affrontements entre l’armée, la guérilla, les paramilitaires, les narcotrafiquants et les bandes criminelles provoquent un déchaînement de violence et d’exactions qui poussent les survivants hors de chez eux, vers les villes et les terres non-colonisées du pays. Souvent même, l’objectif pour les belligérants est clairement d’exproprier ces gens dont la présence entrave le bon développement de leurs projets économiques.
À l’heure où le gouvernement colombien parle de « rendre les terres aux victimes du conflit » il importe de bien comprendre que ces déplacements de population ne sont pas l’effet malencontreux d’une guerre fratricide mais qu’ils sont au coeur même du conflit. Des régions sont vidées et d’autres colonisées. Ceux choisissent de tenter leur chance dans les zones encore peu habitées du pays contribuent à leur défrichement et à leur mise en usage. La palme africaine, la canne à sucre, le café et la coca n’existeraient pas sans le conflit armé qui « libère » des terres cultivables et de la main d’oeuvre peu chère, malléable, déracinée.
Le territoire colombien est clairement restructuré par la violence. Les victimes sont alors doublement touchées, à court et à long terme. À court terme, elles sont dépossédées de leurs biens, de leurs famille, de leur lieu de vie, de leur culture. À long terme (et à supposer que quiconque puisse véritablement se reconstruire après avoir vécu un tel traumatisme), les survivants doivent retrouver une place dans un pays où la propriété terrienne est extrêmement concentrée et dont le gouvernement a pour objectif premier de rassurer les investisseurs étrangers.