«Histoire d’un film, mémoire d’une lutte» n°9

Majoritairement marocains, tunisiens et algériens, les ouvriers de
Penarroya à Saint-Denis et à Lyon, usines affiliées au groupe
Rothschild, récupéraient et faisaient fondre différents métaux dans des
conditions d’hygiène et de sécurité lamentables. Suite à travail
militant et syndical, les 135 ouvriers de Saint-Denis, regroupés à la
CGT, se lancèrent dans une grève d’une quinzaine de jours en 1971 pour
le droit au respect et une augmentation de salaire. Cette grève, en
partie victorieuse, contribua à lancer un second mouvement en 1972,
cette fois soutenu par la CFDT, dans les usines de Saint-Denis et Lyon,
– suite aussi à un intense travail d’enquête, de coordination et de
médiatisation des Cahiers de Mai. Au-delà même de ces péripéties
syndicales et politiques, la lutte des Penarroya poursuit le « Mai 68
ouvrier » et contribua à rendre public les conditions d’existence des
travailleurs immigrés, souvent exploités et méprisés, en
Seine-saint-Denis (terre industrielle) comme ailleurs.

– Projection : Penarroya (1971, 12 min, anonyme) et extraits de
Penarroya, les deux visages du trust (1972) de Dominique Dubosc et des
Cahiers de Mai.

– Introduction : Christian Beauvais, président de l’Institut CGT
d’Histoire sociale de la Seine Saint-Denis.

– Invités : Laure Pitti (historienne, maître de conférence à Paris
VIII), Bernard Loup (syndicaliste CGT puis CFDT à Penarroya), Jean
Bellanger (ancien secrétaire de l’UL CGT de Saint-Denis, sous réserve),
Dominique Dubosc (réalisateur, sous réserve)…

– Conception et animation de la table-ronde : Tangui Perron, chargé du
patrimoine et de l’action culturelle à Périphérie.

– Collaboration : Myriam Goncalvès (Photothèque de l’IHS-CGT), Sylvie
Zaidman (Archives départementales)

– Partenaires : Périphérie, Archives départementales de la
Seine-Saint-Denis, Institut CGT d’Histoire sociale de la Seine
Saint-Denis, Photothèque de l’IHS-CGT

A partir des années 1970, un grand nombre de films sur les conflits
sociaux ont été réalisés dans le département de la Seine-Saint-Denis
dans le but de garder un souvenir, une trace, la mémoire d’un
mouvement.

D’autres, moins nombreux, ont un contenu plus ambitieux : il s’agit de
dégager le sens d’un combat et même d’indiquer la « voie à suivre ». Les
premiers ont été en majorité réalisés par des salariés, les seconds par
des cinéastes professionnels. Ces cinéastes proviennent généralement
eux-mêmes de deux champs idéologiques de gauche opposés. Tous ces films
sont des documents historiques, certains sont de véritables essais de
création artistique.

La lutte terminée, gagnée ou perdue, ces films n’ont plus de vie
réelle. Entre la vignette, l’album de famille et l’oubli, ces documents
finissent le plus souvent par être relégués hors du champ de
l’histoire. Cependant, les « retours de flamme » de l’actualité, ou le
travail artistique, permettent de leur redonner une visibilité et un
écho plus grands. Or, la production, la réalisation et la réception des
films sur les conflits sociaux ont aussi une histoire.

Celle-ci peut
être écrite en sollicitant les témoignages de ceux qui ont pris les
images, confrontés aux souvenirs des acteurs de la lutte.
Révéler et construire l’histoire d’un film et évoquer historiquement un
conflit social participe ainsi à un même mouvement de connaissance du
réel. On tentera ici d’esquisser une approche matérialiste de l’image
et des représentations, en prenant comme point de départ (et d’arrivée)
les nombreux films réalisés au sein d’un même territoire, la
Seine-Saint-Denis, département riche en implantations industrielles qui
a de surcroît une longue tradition de luttes ouvrières.

T.Perron